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War Vision Machine version 3.

 

Année : 2016

Dimension : variables

Techniques : dioramas, moteurs, caméras, moniteur, dispositifs électroniques. informatique, projection vidéo.

War Vision Machine version 3 est la suite et l’extension des versions une et deux créées respectivement en 2007 et 2009. Dans cette nouvelle pièce il s'agit toujours d'explorer les relations difficiles et conflictuelles entre le réel et le représenté, entre la réalité et l'illusion.

 

S'inspirant des images des ruines de la bataille de Jobar - du nom de ce quartier de la banlieue de Damas, dans laquelle eu lieu une bataille en 2012 entre l'armée régulière syrienne et l'armée syrienne libre - ce dispositif consiste en quatre dioramas de ce quartier à des échelles différentes et  animés d'un mouvement rotatif. Filmé par six mini-caméras, le signal est diffusé sur un moniteur et  de nouveau filmé par une webcam. Ce nouveau signal est injecté dans un ordinateur dans lequel un programme informatique ajoute à cette couche vidéo deux autres couches par superposition : une trame vidéo venant salir l'image et le graphisme en mouvement d'une interface de visée qui équipe les hélicoptères et les avions de combat. Le signal vidéo ainsi traité est diffusé dans un deuxième espace en vidéo projection. L'installation est donc divisée en deux espaces : un premier qui regroupe les maquettes et le dispositif de traitement des images et un second qui comprend la vidéo projection et un capteur de présence. C'est le spectateur qui en pénétrant dans ce second espace déclenche la mise en mouvement des dioramas de l'espace un. Sans sa présence, les images vidéo projetées des dioramas alternent les unes après les autres dans une forme de diaporama mutique.

 

De la même manière que dans le principe d'incertitude en théorie quantique toute opération de mesure d'un système microphysique provoque automatiquement une altération du système,   l'entrée du spectateur dans l'espace vidéo et sa captation à l'aide d'un capteur de mouvement met en branle le dispositif de l'espace un. Ce dispositif met en exergue la supplique croissante en image du téléspectateur téléphage... toujours plus d'images, toujours plus d'actions, toujours plus de vitesse, toujours plus d'effets... à un tel point que la science fiction pourrait nous offrir un scénario dans lequel la demande provoquerait les guerres afin de répondre à la demande croissante des images comme si la production et la fabrication des images de guerre fonctionnait en flux tendu..

 

Il y a un paradoxe dans cette forme de guerre, d'un coté les images filmées à l'aide de portable et de caméra par la résistance syrienne inondent en un flux continu les réseaux et d'un autre nous n'avons pas ou peu d'images (il existerait donc une forme de guerre asymétrique aussi quant aux images) des armées régulières ou des journalistes… ce qui fait que du sol nous n'avons pour ces premières qu'une image trouble et chaotique de la situation... ce sont des images souvent sans commentaires « sensationnelles » mais pauvres en information quant aux données tactiques et ou stratégiques. Pour les secondes se sont bien souvent des vues aériennes d'observation et de bombardement de la troisième force en présence, c'est à dire l'état islamique… mais cette mutation dans l'offre des images n'est pas caractéristique de la guerre en Syrie, elle est caractéristique de ces nouveaux conflits endémiques qui minent le moyen- orient  et ses franges  (Afghanistan...).

 

War Vision Machine nous montre le changement de paradigme quant au mode de représentation des zones de conflit...nous n'avons plus affaire à une guerre au sol et à ses images... images bougées, tremblantes, en mouvement et pauvre en information mais à une nouvelle esthétique des guerres contemporaines qui ne sont plus que des vues à la verticale et à haute altitude du champ de bataille filmées à l'aide de drones ou d'avions de combat . Nous n'avons plus affaire aux tableaux de bataille composés d'une succession et d'une répartition de plans dans un espace perspectiviste classique, mais à des plans en rotation ou à de longs travellings lents au dessus des cibles ...le champs de bataille est au final devenu des plans plats au dessus desquels se déplacent orthogonalement des machines automatiques... c'est une des autres dimensions que montre cette installation :  l'omniprésence et omnipotence de la machine dans les guerres contemporaines.

Cette installation propose une réflexion sur la guerre contemporaine et la nouvelle approche du combat orientée autour de la robotisation généralisée et de l’utilisation en particulier des drones qu’ils soient de moyenne altitude ou tactique. La guerre est devenue une affaire de censeurs, de capteurs, de dispositifs optoélectroniques dans laquelle l’humain (du coté des forces américaines et alliées, car du côté des forces terroristes nous sommes encore dans une forme de guerre « classique ») a presque disparu ou est relégué à un pilotage par joystick  à l’instar des jeux vidéo. La guerre asymétrique contemporaine est une guerre d’écran, et d’œil électronique et qui s’effectue dorénavant à distance. Nous ne sommes plus dans des métriques « humaines », le centimètre de la baïonnette, de l’arme à poing, le mètre de l’arme feu, la centaine de mètre du fusil à lunette.

Le sol, le terrain et les objets qu ‘ils comportent sont comme devenus des formes abstraites, presque des concepts abstraits…qui peuvent être appréhendés dans des longueurs d’ondes invisibles à l’œil nu ou par des images résultant de fusions de différentes sources électroniques.

La visualisation se construit sur d’autres règles que les mécanismes perceptifs habituels. Voir, c’est aujourd’hui, passer par des interfaces de grossissement, de traitement, de filtrage. Voir est un résultat.

 

La dernière et non moins importante dimension de ce travail est l'inversion du couple sujet/objet.

l'objet filmé (en l’occurrence ici des zones de conflit ) devient le sujet agissant en se pensant lui même comme image et l'opérateur, le cameraman, la caméra, deviennent objet en devenant passifs.

Le sujet derrière l'objectif disparaît au profit de l'objet qui s'autonomise en se faisant image.

Ce n'est plus le dispositif de captation qui définit les cadres, les focales, les mouvements mais l'objet lui-même qui se définit comme cadre, comme focal, comme mouvement.

L'objet maquette définit son cadre et il n'existe pas de hors champ possible hors de l'objet à la différence du cinéma où d'une photographie ou le monde continue à s étendre bien sur au delà du cadre. L'objet définit aussi son propre mouvement, ici un mouvement rotatif, pour se faire travelling circulaire. L'objet modifie sa focale (quelle soit courte ou longue) en nous proposant plusieurs maquettes d'une même zone mais à des échelles différentes. L'objet produit sa couleur, réalisées en carton gris neutre, les maquettes produisent l'effet visuel des caméras embarquées dans les hélicoptères et avions de chasse.

L'objet est en quelque sorte devenu l'horizon de la disparition du sujet... il devient pure image fixe ou en mouvement avant même d'être capté par les objectifs. Ce que nous dit ce dispositif (car il s'agit ici bien plus d'un dispositif, d'une machine que d'une installation) c'est que l'image est devenue notre réalité, non plus une de ses représentations, mais la réalité elle même.

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